Après ce mois passé en Hongrie, nous parvenons jusqu’à la frontière roumano-hongroise à pied, déposés par notre conducteur au poste de frontière de Turnu. Pour la première fois depuis notre départ, nous subissons un contrôle du côté hongrois, puis un second contrôle du côté roumain, étonnés de voir deux tortues (nous y ressemblons avec nos sacs à dos) traverser la frontière à pied. Les yeux s’écarquillent et des airs soupçonneux apparaissent quand Sehriban tend son passeport français.

Après 20 minutes, la police nous ramène nos passeports et c’est à pied que nous continuons. Roumanie, nous voici. Nous réfléchissons à poser notre tente alors qu’il n’est que 17h00, l’agacement de devoir trop souvent chercher des emplacements où bivouaquer en pleine nuit, lampe sur le front ne voulant pas se faire sentir.

Très peu de voitures passent, les contrôles à la frontière étant rigoureux, les véhicules mettent du temps à la passer et sont de toute façon très peu nombreuses en ce jour.

Un jeune roumain s’avance vers nous à vélo. Hésitant, il nous fait comprendre qu’il aimerait qu’on lui donne de l’argent. Nous coupons court en expliquant « No money », et il se montre désintéressé et repart déçu. Une voiture arrive au loin, sortant du contrôle, et nous levons le pouce une dernière fois avant de planter la tente, la femme au volant nous observe et continue son chemin. Tant pis !

Tant pis ? Pas tant que ça ! 5 minutes plus tard, nous la voyons repasser en sens inverse, elle nous invite à monter ! Le hasard du stop, nous ne dormirons pas à la frontière ce soir !

Nous nous dirigeons donc en direction de Arad, gros centre industriel et carrefour des communications ! Nous avançons dans la campagne et croisons des bergers et leurs troupeaux tous les 5 kilomètres. La vie champêtre et bucolique du pastoralisme roumain se confirme à moi : je vais bien me sentir ici.

Le Roumain est une langue très transparente, facile à comprendre pour un Français. La base latine est très forte, cela ressemble à un mélange de Français et d’Italien. Ça tranche radicalement avec la Hongrie, ici, nous lisons facilement !

La première chose que nous remarquons, c’est qu’à l’entrée de la ville, tous les bâtiments sont anciens et en piteux états, les vitres sont cassées, les maisons abandonnées…ce n’est pas très accueillant, pour finalement s’enfoncer dans le centre et faire place à une ville bien plus moderne et vivante ! Arad est le nœud ferroviaire le plus important de l’ouest de la Roumanie, se situant sur un axe national et européen. La ville contient de nombreux édifices d’une beauté remarquable !

Nous cherchons sur Couchsurfing un local pour nous héberger. Du jamais vu : Nous ne rencontrerons pas notre hôte Gabriel, actuellement à Istanbul, mais il nous invitera à rejoindre son appartement qu’il nous prêtera en son absence. La confiance du Couchsurfing m’étonnera toujours. Donner pendant des années en Couchsurfing nous permet aujourd’hui de recevoir. Un bel exemple de partage entre voyageurs.

Nous sommes donc accueillis par Pavel et Ervin, les deux voisins de Pavel qui nous donnent les clés de l’appartement de Gabriel et nous invitent à manger et à boire en ville.

Détente à Arad au bord d’un lac

Pavel est Moldave, il étudie la médecine dentaire depuis 3 ans. Il a vécu pendant 4 ans à Chicago une dizaine d’années auparavant, très attiré par le « Rêve américain », il cumule à lui seul tous les clichés de l’égocentrisme, récitant à tue-tête les phrases sorties de ses références préférées comme Scarface : « first you get the money, then you get the power, then you get the woman ». Un adage que l’on entendra quelques dizaines de fois pendant notre séjour à Arad. Pavel n’en reste pas moins quelqu’un de très gentil avec qui nous passerons de très bons moments à rire et partager des anecdotes de voyage. Son rêve étant de travailler en tant que dentiste en Suisse. Ervin quant à lui est dans l’électronique, il est roumain. Construisant depuis quelques années des scooters électriques, il nous fera visiter Arad dans tous ses recoins.

Pavel au premier plan, Ervin au second

Lors d’une discussion autour d’une bière, nous leur expliquons qu’en France, la plupart des personnes ont une vision péjorative des Roumains, identifiants les Roms, la communauté tzigane, à ce peuple. Ils nous confirmeront que les Roms sont une minorité présente dans la plupart des pays de l’Est, mais qu’il faut les différencier des Roumains, chose que nous avons bien comprise pendant notre traversée de la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. Les Roumains sont assez difficilement différentiables des Français à l’inverse de la communauté tzigane.

Un autre problème : Leur relation avec les Hongrois et leur rancune envers le traité de Trianon.

Dans l’ancien empire austro-hongrois, la Hongrie avait sous sa domination des territoires peuplés de Magyars (les Hongrois) mais aussi des territoires peuplés de Slaves (les Slovaques, des Serbes, des Croates, des Roumains). En application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mais aussi des appétits territoriaux de ses vainqueurs (la Serbie et la Roumanie) la Hongrie doit céder des territoires (cependant des minorités hongroises subsistent dans les territoires cédés). La Transylvanie (où il y a des minorités hongroises) et le Banat oriental sont cédés au royaume de Roumanie qui s’agrandit vers l’ouest. La Hongrie perd ainsi les deux-tiers de son territoire et près de 3 millions de Hongrois vont devoir vivre dans des pays étrangers dans lesquels leur présence va créer de nombreux problèmes. La Hongrie est déclarée co-responsable (avec l’Allemagne et l’Autriche) de la déclaration de guerre et doit payer des indemnités de réparations à ses vainqueurs.

Nous rencontrerons beaucoup de Hongrois en voiture, nous racontant qu’ils l’ont toujours au travers de la gorge et ont une animosité envers les Roumains, 100 ans plus tard. Chose que nous trouvons triste, quant on sait que nous, Français, sommes de très bons amis des Allemands, en dépit d’un sulfureux passé. Savoir faire table rase sans se reprocher les querelles de nos ancêtres serait plus sage pour vivre ensemble.

Nous restons deux jours à nous reposer et explorer la ville avec nos deux amis avant de continuer notre périple avec un objectif bien fixe : Randonner dans les montagnes de Transylvanie !

Nous sommes contactés par mail par Alexandre, un jeune homme de 20 ans suivant notre aventure sur les réseaux sociaux et nous indiquant voulant se rendre en Roumanie. Il aimerait nous rencontrer et c’est avec plaisir que nous lui donnons rendez-vous sur la route de Transfăgărășan un peu plus tard pour faire un trek et monter au sommet d’une montagne accueillant le Lac Bâlea, au milieu de la Roumanie.

Nous reprenons le stop en direction de Deva.

« Mais qu’est ce que c’est que ce bordel ».

Quatre autostoppeurs à la sortie de Arad.

Rien que ça. En Roumanie, l’auto-stop est très développé et utilisé par les locaux. Il n’est pas rare de croiser jusqu’à dix personnes attendant qu’une voiture les prennent. Enfin, « stop » est un grand mot, les locaux payant le trajet en sortant de la voiture. Pour nous, c’est impensable pour rester dans l’esprit de l’auto-stop, nous ne pouvons pas payer un trajet.

L’auto-stop en Roumanie, de la concurrence !

Tous les blogs de voyageurs, les sites de routards, s’accordent à dire que le stop en Roumanie est compliqué sans payer. Il n’en est rien, et c’est même l’inverse qui se produira pour nous. Nous rencontrerons plusieurs conducteurs roumains voulant nous donner de l’argent, nous tendant des liasses de billets.

Chance incroyable : Un camion taxi s’arrête et fait monter tous les Roumains d’une traite dans le camion.

5 minutes plus tard, une voiture s’arrête et un couple nous invite à monter. Ils nous lâchent une trentaine de kilomètres plus loin et nous offrent une boite remplie de gâteau, bon appétit !

Un beau cadeau, un bon gâteau !

Nous marchons et sommes rapidement pris de nouveau par un roumain se rendant directement à Deva, 100 kilomètres plus loin ! Nous passerons un très désagréable moment dans cette voiture de la mort : certains Roumains roulent comme s’ils étaient invincibles, doublant au dernier moment malgré les voitures en face, prenant des dos d’âne à 100 km/h, et surtout, c’est le cas pour cette voiture, double des camions en plein virage.

Je m’accroche à chaque tournant, si une voiture arrive en face, c’est clairement la fin. Nous roulons à 120 km/h et notre conducteur joue à la roulette russe, prenant le risque de doubler des camions en espérant qu’aucune voiture n’arrive dans l’autre sens à chaque virage. Il s’en sera fallu de peu à plusieurs reprises pour que l’on percute de plein fouet une voiture.

Stressés et épuisés de ce trajet, les aisselles trempées, nous descendons de cette future voiture accidentée. Nous avons eu de la chance.

Arrivés à Deva, nous sommes hébergés par Guglielmo (Guillaume en Français), chez qui nous nous reposons en partageant un délicieux repas accompagné de vin.

Nous commençons à croiser beaucoup de chiens dans les rues, il devient difficile d’avancer 50 mètres sans voir un chien de rue s’enfuir en courant.

Pour la première fois, sous les conseils avisés de notre hôte qui nous indique que l’eau du robinet est peu recommandable en Roumanie, nous remplissons nos bouteilles à l’aide des puits que nous croisons par centaines.

Nous continuons au matin notre avancée vers les montagnes en direction de Sibiu que nous rejoignons en une petite heure.

Nous traversons la ville en bus-stop pour rejoindre le sud de celle-ci en direction de Rășinari, un petit village entouré de montagnes. Nous sommes rapidement déposés dans les montagnes voisines en tracteur-stop, et c’est un dépaysement total : des vaches se promènent en plein milieu de la montagne, se moquant pas mal de déranger les quelques rares voitures passant sur la route.

Culottées, elles n’ont que faire des voitures !

Nous nous faisons régulièrement agresser par des chiens de berger des montagnes qui accourent vers nous et nous hurlent dessus à quelques mètres. Confiant de leur comportement, j’avise Sehriban d’ignorer tous les chiens qui nous agressent, et que « ça devrait bien se passer ». (rires)

Nous croisons un chien qui s’amourachera de nous et ne nous quittera plus pendant des kilomètres, prétextant de devoir aboyer sur les vaches pour nous protéger.

Notre nouvel ami !

Nous rejoignons Rășinari à pied, un village avec ses maisons colorées construites dans le style saxon, on a l’impression agréable que le temps s’est arrêté. Nous prenons plaisir à nous perdre sur ses ruelles étroites et ses chemins pavés, et nous promener tout au long du petit ruisseau qui traverse le village pour admirer une de ses belles églises, l’église Sfanta Paracehva, à l’architecture baroque et qui se remarque par ses peintures murales extérieures. Autour, les collines vertes parsemées de pâturages, de prairies, de bergeries et des immanquables bottes de foin nous laissent rêveurs.

Rășinari

Les quelque 650 000 Tziganes étant parfaitement intégrés en Roumanie, bien que non appréciés des Roumains, le village se sépare en deux parties : la partie roumaine, et plus en amont, une partie tzigane.

Petit côté négatif : L’éducation à l’écologie serait vraiment nécessaire dans ce pays.

Les cours d’eau, parfois magnifiques, parfois déchetteries à ciel ouvert.

Comme piqué par un moustique, une idée me vient en apercevant une petite montagne surplombant de 1000 mètres le village de Rășinari : et si nous montions au sommet pour y poser notre tente ?

Nous escaladons, transpirants devant ce dénivelé positif très brutal, et après une bonne heure d’effort, la récompense ne se fait pas attendre, nous installons notre bivouac sur une zone dégagée en plein milieu d’une forêt.

Un berger passe et nous observe, très étonné. Il s’écrie : « URSUS, URSUS » !

J’avais entendu parler du fait que la Roumanie hébergeait pas moins de 8000 ours et 75% de la population européenne.

On prend le risque !

Nous invitant à partir pour notre sécurité, nous refusons et remercions le berger pour ses informations et continuons notre bivouac. Dans le doute, prenant mon téléphone et tapant « Ours Transylvanie » sur Google, je suis rapidement refroidi en lisant de nombreux témoignages d’attaques d’ours dans des tentes…exactement dans la région où nous nous trouvons, dont certaines se sont avérées mortelles. Crever au bout de trois mois de voyage, attaqué par un ours ? Pas moyen.

Je rationalise, il est impensable de descendre, et puis camper dans la nature est un plaisir tellement immense que le risque en vaut la peine, à condition de prendre quelques précautions pour nous protéger.

Après notre repas, nous brûlons et effaçons toute trace de nourriture et accrochons les restes dans un arbre à une centaine de mètres de notre tente. Nous accumulons assez de bois pour raviver le feu toute la nuit.

Au rythme d’un réveil programmé toutes les deux heures, nous entretenons le feu toute la nuit pour nous protéger des animaux. Après tout, c’est grâce à cette technique archaïque, héritage de nos ancêtres, que l’Homme à su survivre.

Au petit matin, un peu fatigués, mais quand même reposés, nous sommes réveillés par l’agréable tintement des cloches d’un troupeau de chèvres passant à quelques mètres de notre tente, guidées par leur berger. Nous levons le camp pour redescendre vers Rășinari et continuer notre chemin en direction des Alpes de Transylvanie, les Carpates.

Petite intrusion à la sortie de la tente !

Après avoir rejoint Deva, nous levons nos pouces avec quelques Roumains. Un camion taxi s’arrête et fait monter les Roumains. Je m’approche de la fenêtre : « Salute ! Transfăgărășan ? Nici bani ! » * (bonjour, vers la route Transfăgărășan, je n’ai pas d’argent »).

Il nous invite à monter et nous nous installons parmi les locaux, un voisin nous offrant un feuilleté comme petit-déjeuner.

La route Transfăgărășan, unique passage vers les montagnes !

Par chance, le taxi nous déposera exactement à l’entrée de la route Transfăgărășan, unique passage peu fréquenté vers les montagnes des Carpates et le lac Bâlea que nous souhaitons rejoindre à pied. Alexandre, notre ami français voulant nous rejoindre, arrive par l’autre côté de la route, et c’est ainsi que nous nous donnons rendez-vous au sommet de la montagne accueillant le lac, à 2300 mètres, chacun grimpant de chaque côté de la montagne.

Nous prenons soin de récupérer du petit bois que nous fixons sur nos sacs tout en sachant que dans les sommets, il sera difficile de trouver du bois sec. Nous profitons d’un moment sans voiture pour faire le plein de plantes médicinales dans la nature, menthes, mélisse, plantain, herbes aromatiques pour les repas.

Nous sommes plus efficaces en stop et parvenons jusqu’au pied de la cascade du Lac Balêa, à 1200 mètres d’altitude, le reste de la route étant bloqué par la neige et les chutes de pierre, seul un téléphérique permet de rejoindre le lac. Nous devons faire le reste à pied. Les locaux nous déconseillent fortement de réaliser la randonnée à pied et nous invitent à prendre le téléphérique.

Du téléphérique-stop ? Pas moyen. C’est à pied que nous grimperons.

Un employé de la station nous prend à part et insiste : « C’est très dangereux, il y a de la tempête, il fait moins de zéro degré et le vent est glacial. Vous ne pouvez pas dormir non plus dans votre tente, c’est trop dangereux et la forêt est remplie d’ours. Avec cette météo vous ne pouvez pas monter. »

Vous ne pouvez pas faire ci, vous ne pouvez pas faire ça. Des phrases que nous ne cessons d’entendre depuis le début de notre voyage, à croire qu’il faudrait rester gentiment assis et attendre que les choses se fassent toutes seules. Le principal, c’est d’essayer, qu’importe si nous ne parvenons pas au sommet, nous aurons au moins pas l’impression d’être venus ici pour rien.

Les chemins ne sont plus entretenus

Remerciant le guide pour ses instructions, nous démarrons l’ascension par le côté nord par un chemin peu fréquenté et découvrons qu’une ascension qui devait normalement ne pas être très compliquée s’avère être épuisante avec un sac de 20 kg sur le dos. Nous ne croisons personne pendant cette montée, et Alexandre nous indique par SMS ne pas encore être arrivé au pied de la montagne de son côté sud. Nous marchons pendant 3 heures sous une pluie battante, mouillés jusqu’aux os, et parvenons à dépasser la cascade. Nous sommes à quelques 1800 mètres d’altitude après quelques heures, et la nuit ne va pas tarder à tomber.

Il faut continuer de monter !

Un passage très dangereux se dévoile sous nos yeux. Le chemin s’arrête net, laissant place à une chute de neige dévalant la montagne jusqu’en bas. Si l’on glisse, c’est très mauvais. Il faut traverser cette cascade de neige pour rejoindre le chemin de l’autre côté. Pas à pas, les mains glacées accrochées dans la neige comme des piolets, nous escaladons la neige et parvenons lentement de l’autre côté en prenant soin de ne pas regarder en bas.

Avec le recul, nous nous encorderons la prochaine fois sur ce type de passage extrêmement dangereux, d’autant que nous avons une corde de 30 mètres dans le sac.

Nous continuons notre ascension sous la pluie glaciale, et parvenons à plus de 2000 mètres sur un plateau précédant la montagne du lac Bâléa. C’est en effet une tempête. Des rafales nous empêchent de nous déplacer correctement. Nous apercevons une vieille cabane abandonnée en bois, vestige d’un ancien refuge inutilisé depuis de nombreuses années et décidons de nous y arrêter pour dormir cette nuit.

Problème : La pluie violente a forcé la crue de ce qui s’apparente normalement à un petit ruisseau traversable à pied en sautant de pierre en pierre. Pas le choix, il faut le traverser à pied. Impatient de rejoindre la cabane, je fais le premier pas, et l’eau glaciale rentre dans mes chaussures jusqu’a hauteur de mes genoux. Une eau proche du zéro, de quoi vous rappeler que vous avez des jambes.

Je parviens de l’autre côté, et entends Sehriban crier. Je me retourne, malheur, elle a glissé dans l’eau et se retrouve entièrement immergée dans cette eau glaciale, emportée par le courant.

C’est plus fort que moi, la situation est risible, j’éclate de rire et lui crie de se mettre debout et me rejoindre. Elle rigole aussi, il vaut mieux rire de ces situations.

Nous parvenons au refuge, et ne sommes pas au bout de nos surprises.

Le refuge, hôtel 5 étoiles

Subissant les capricieuses intempéries de la montagne, le refuge est détruit, le toit fuyant et les portes cassées. De vieux lits et des matelas moisis décorent la pièce. Une pièce réservée à l’allumage d’un feu attire tout de suite mon attention. Pleins de bûches sont stockées et bien que trempées, après quelques difficiles tentatives d’allumage à l’aide de notre petit bois sec, je parviens à allumer un feu.

Comme les problèmes n’arrivent jamais seuls, la toiture étant trouée, les portes absentes, le vent et la tempête s’engouffrant avec ferveur dans la maison empêchent la fumée de s’évacuer correctement. Nous nous retrouvons rapidement dans une chambre de monoxyde de carbone qu’il nous faut éviter de respirer. Nous sortons en vitesse de la cabane après avoir éteint le feu. Le séchage des vêtements ne se fera pas ce soir.

Nous allumons notre petit Rocket-stove et parvenons à cuisiner une délicieuse tranche de porc dans un bouillon de légumes. La cuisine nous réchauffe, et nous prenons même le luxe de nous octroyer un thé à la menthe à l’aide des herbes récupérées dans la nature.

On se regarde, on éclate de rire, la situation est vraiment merdique, mais c’est génial !

On installe la tente directement dans la cabane, on se met  nus dans nos sacs de couchages et sommes rapidement secs et au chaud dans nos cocons. L’orage fait rapidement son apparition, et nous tentons de dormir au rythme du tonnerre, des rafales et de la cabane sur le point de s’envoler.

Au petit matin, la météo est plus calme. Nous plions bagage, un peu cassés et courbaturés de la veille.

Notre hôtel 5 étoiles au matin

Alexandre nous indique avoir dormi dans sa tente non loin d’un village voisin, au pied de la montagne côté sud. Nous prenons la décision de ne pas monter les 200 derniers mètres, une très violente grêle nous fouettant le visage et les cuisses. Nous décidons par SMS avec Alexandre de nous retrouver à Brasov, ville se trouvant à 150 km vers l’est de la Transfăgărășan.

Non mécontents de dire au revoir à notre cabane de fortune, nous redescendons la montagne par un autre chemin de randonnée, et parvenons au refuge 2 heures plus tard à 800 mètres d’altitude, fatigués de cette randonnée l’estomac vide.

La vue au petit matin

Nous croisons de nouveau le guide de la veille, étonné que nous soyons parvenus jusqu’au plateau précédant le lac à la force de nos jambes par cette tempête. Fiers de notre aventure, nous croisons un couple de personnes venues ce matin en voiture pour prendre le téléphérique, fermé en raison de la tempête. Ils décident de repartir chez eux. C’est notre chance.

« Bonjour, nous avons entendu que vous repartez chez vous, pouvez-vous nous faire descendre le reste de la montagne à pied ? »

« Bien sûr, nous rentrons chez nous, à Brasov ».

Impossible. Comment peut-on avoir une chance aussi insolente ?

Fatigués de ces deux derniers jours, mais heureux de parcourir les 150 km qui nous séparent de Brasov d’une traite, nous nous accordons une petite chambre à Brasov pour nous reposer : 7 euros la nuit, dont nous partageons les frais avec Alexandre qui parvient à nous rejoindre dans la journée en stop.

Alexandre est un amoureux du voyage. Il aimerait faire un tour du monde, et nous posera beaucoup de questions sur le freeganisme, le voyage sans argent, intéressé d’en apprendre plus sur notre fonctionnement.

Nous visitons Brasov avec lui, une ville très agréable, entourée de collines, de montagnes, très touristique bien que très calme en cette saison, j’aime l’appeler le petit « Hollywood Roumain » en raison du nom de la ville surplombant la colline voisine.

Si si, regardez bien sur la colline !

Le lendemain, nous partons avec notre troisième crapahuteur sur les routes roumaines en direction de Bușteni où un couple que nous avons rencontré via couchsurfing nous attend. Nous entamons le stop à 3 à la sortie de la ville, et c’est de nouveau un taxi qui accepte de nous prendre en stop gratuitement ! Le stop en Roumanie est décidément très facile !

Taxi-stop !

Nous progressons dans les montagnes pour rejoindre la petite ville de Bușteni. Une ville montagnarde, reculée, mais passage obligatoire pour traverser cette partie de la Roumanie en voiture, la route se rendant directement à Bucarest. Le paysage est reposant. Nous rejoignons Raluca dans petite maison en lisière de forêt, c’est la première expérience de couchsurfing pour Alexandre qui découvre les joies du partage et de l’accueil de ce réseau de voyageurs.

Après une petite heure de discussion, nous partons explorer la forêt attenante en cherchant quelques géocaches et revenons pour cuisiner un repas français à cette petite famille roumaine. Une bonne nuit de repos, nous partons au petit matin et nos chemins avec Alexandre se séparent. Nous espérons nous revoir plus tard pendant notre voyage. Il réussira à se faire prendre par un taxi pour retourner vers l’ouest de la Roumanie. Quant à nous, nous continuons notre chemin pour rejoindre un village bordant la mer noire : Vama Veche.

De voiture en voiture, nous sommes rapidement invités à monter dans un fourgon rempli de travailleurs roumains. Ils sont éboueurs et rentrent chez eux. Ces derniers sont tellement étonnés et contents de voir des voyageurs français à pied qu’ils se mettent à chanter, crient et passent un moment festif tout en nous déposant quelques 30 kilomètres plus loin. J’adore les Roumains. Et d’ailleurs, il faut que je vous parle « d’elle ».

« Elle », c’est cette petite famille roumaine.

17h00. Nous sommes déposés dans un petit village dans la campagne transylvanienne en direction de Constanța. Il nous reste 200 kilomètres à parcourir et nous décidons de reprendre l’autostop pour sortir de ce village et trouver une forêt pour y installer notre campement pour la nuit. Nous avons du pain et des pâtes pour le repas, tout va bien.

Un homme s’arrête, la quarantaine, et nous invite à monter nonchalamment. Ouaip, ils sont comme ça les Roumains au début, on à l’impression qu’ils tirent un peu la gueule, mais c’est leur façon d’être.

Je le regarde.

« – Vous parlez anglais » ?

« – Un peu oui, je peux vous déposer dans la prochaine ville ».

La voiture démarre. Il nous demande d’où nous venons, ce que nous faisons ici, pourquoi la Roumanie…10 minutes après, ça nous tombe dessus : l’homme ne nous laissera pas descendre de sa voiture. Il ne nous laissera pas non plus continuer notre voyage. Pas ce soir en tout cas.

« – Non, il est hors de question que vous dormiez dans votre tente ce soir. Et vous allez manger quoi ? Des pâtes ? Faites-moi rire. Vous êtes nos invités ce soir, et vous n’avez pas le choix. »

Dan. C’est son petit nom.

Il appelle sa femme et s’esclaffe au volant de sa voiture au téléphone, vociférant que nous allions dormir dans la nature, il demande à sa famille de préparer un barbecue. Il se gare devant une boucherie et entre. 5 minutes plus tard, il ressort avec des sacs remplis de nourriture.

« – Aujourd’hui, vous allez manger. Et demain aussi. Vous êtes nos invités »

Nous tentons de le remercier.

« – Tut tut tut, Terence, Terence, tu es mon ami à présent. Pas de remerciements entre nous. »

Nous arrivons chez lui et découvrons son immense maison, son jardin magnifique, son potager et ses vergers verdoyants. Nous rencontrons sa petite famille, sa femme, ses trois filles adorables.

Tout le monde est au petit soin pour nous, on nous enlève nos sacs à dos, on nous montre notre chambre, on nous prépare nos lits, on nous oblige à nous détendre, prendre une douche, on nous amène des vêtements propres, des chaussons… Les filles s’attellent en cuisine pour préparer une salade, Dan prépare un immense barbecue, rempli de différentes viandes et de légumes…

J’essaie d’aider, rien à faire : Nous sommes obligés de nous asseoir, de nous détendre.

Un repas extrêmement copieux, des discussions et des rires, nous passons une soirée incroyable, dans une bulle temporelle, on ne voit pas le temps passer, tout cela semble irréel. On se sent enfants auprès de nos parents.

22h du soir, sa femme nous cuisine un gâteau malgré nos polis refus en cette heure tardive…elle nous prépare des sandwichs pour le lendemain…

Dan ira jusqu’à nous tendre une liasse de billets en s’excusant de n’avoir que ça à nous offrir, chose que nous refuserons avec ferveur cette fois-ci. Nous dormons complètement rassasiés…sous le choc de ce qu’il vient de se passer. Le Lendemain, Dan nous dépose sur la route pour continuer notre chemin, après une puissante accolade.

L’humain est incroyable. Les Roumains sont incroyables.

Dan et sa petite famille

Nous reprenons notre route toujours en direction de Vama Veche, et parvenons dans la ville aux alentours de 14h00. Nous trouvons sur place un petit camping pour 4 euros la nuit, en bord de plage, les pieds dans l’eau, maisonnette… et pour cause : Nous fêtons demain nos 11 ans de couple, et le même jour, nos 1 an de mariage.

Vama Veche, le village des gens heureux !

Nous apprenons que Vama Veche est une destination prisée des hippies. C’est un lieu de prédilection où se mêlent danses nocturnes, feux de joie, nudisme et autres mondanités. Nous ne participons cependant pas à ces festivités, préférant nous reposer et nous détendre sur les bords de la mer noire.

Les chiens sauvages sur la plage de Vama Veche, tentative pour avoir à manger : Regard de biche.
La mer noire, nous y sommes !

Le soir, nous nous promenons dans la ville. Nous apercevons une chanteuse et un guitariste installés avec leurs deux chiens, jouant pour gagner un peu d’argent. Sur leur pancarte : France-Alaska by foot.

Des Français.

Nous les accostons et passons la soirée à discuter, leur histoire est inspirante ! Jangalee, Brenda et leurs deux chiens Ethio & Watson voyagent à pied, sans voiture, autour du monde avec un but précis : rejoindre l’Alaska ! C’est un réel plaisir de passer du temps avec ces nomades en qui nous nous retrouvons complètement, et bien que nos moyens de locomotion soient différents, notre philosophie et notre vision de la vie reste très proche ! Ils voyagent sans argent et ne se nourrissent qu’avec ce qu’ils gagnent en jouant de la musique. Nous nous retrouverons plusieurs fois pendant les 5 jours que nous passerons à Vama Veche.

Chose absolument surprenante, le hasard faisant toujours bien les choses, il se trouve qu’Alexandre, notre troisième crapahuteur nous ayant rejoint, avait été averti par un de ses amis résidant en Roumanie, lui même ayant hébergé Brenda et Jangalee, que nous serions surement amenés à nous croiser. C’est chose faite, nous avons croisé ces voyageurs, le monde est tout petit !

Brenda et Jangalee !

Nous partons, reposés, en pleine forme, prêts à reprendre la route pour aller travailler dans un refuge animalier en Moldavie. Nous levons notre pouce en direction de ce pays dont nous ne savons pas grand-chose, avec la ferme intention d’en apprendre plus.

La Roumanie…nous en sommes tombés amoureux. Un pays où les gens donnent sans attendre, un pays avec des possibilités infinies. Je parle avec ma vision d’amoureux de la nature : elle est incroyablement riche, préservée, les cultures sont peu nombreuses par rapport à la France où il est difficile de trouver des zones sans champs entre deux villages. Un bon point pour l’autonomie, les espaces sont là, on peut faire pousser des choses. Le système pastoral y est très développé et il n’est pas rare de croiser bergers, chevaux, et autres animaux, totalement intégrés dans la culture roumaine. S’il est vrai que les jeunes tendent à quitter les campagnes, quand on sait que l’Homme commence à doucement revenir vers la nature, j’ai la profonde conviction que ce patrimoine pastoral aura tout son intérêt dans un futur proche ou lointain.

Nous rejoignons sans problème la frontière moldave dans la journée, déposés à la frontière, nous avançons vers ce poste semblant abandonné, direction Chișinău !

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14 Comments

  1. Merci pour ces infos ! Je pars en Service Volontaire Européen en Transylvanie (à Baile Tusnad) et j’ai vraiment hâte de découvrir cette région et ce pays. Bon voyage pour la suite ! C’est le premier article que je lis sur votre blog, c’est bien écrit et pertinent. Ça donne envie de repartir sur les routes.
    Profitez !

  2. Zacharski Reply

    Que du bonheur. Je viens encore de passer un moment délicieux en te lisant Terence. Vous nous faites rêver et parfois trembler (rétrospectivement ). On attend la suite avec impatidnce. Bonne route.

  3. Bonjour les deux crapahuteurs, j’espère que vous allez bien, que devenez vous ? je viens de lire votre récit sur la Roumanie et il est fantastique. Nous partons en Roumanie avec nos enfants en fin de semaine, nous allons faire un roadtrip à pied. J’ai vu que vous avez bivouaqué aussi, avez vous rencontré des ours, car on nous précise qu’il est préférable de se rapprocher des villages pour passer la nuit. Merci pour votre retour. Bonne continuation Laure et Ludo

    • Terence Reply

      Hello Laure et Ludo.
      Desolé du temps de réponse !
      Nous sommes actuellement de retour en France et développons notre ferme autonome.
      Votre séjour en Roumanie s’est-il bien passé ?
      A bientôt

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